CONTEXTE

En mai 1642, les membres de la Société Notre-Dame fondent Montréal afin de convertir les Autochtones de la région au catholicisme. Cet idéal missionnaire, toutefois, ne fait pas long feu. Les habitants de la petite ville s’intéressent davantage à la traite des fourrures qu’à la conversion des Autochtones. Dès les années 1660, Montréal devient la plaque tournante du commerce des fourrures en Nouvelle-France.

La traite des fourrures

L’image ci-dessus illustre la traite des fourrures à l’extérieur d’un poste de traite fortifié pendant le Régime français. En observant la gravure, peux-tu identifier les principaux acteurs du commerce des fourrures, la méthode commerciale qu’ils utilisent et les objets qu’ils échangent?

Les pelletiers à Montréal

Jusqu’à la fin des années 1670, les Autochtones se déplacent en grand nombre pour échanger leurs fourrures de castors avec les marchands de Montréal. En 1672, ils sont environ 900. Il s'agit alors de la foire annuelle la plus importante de la colonie.

Toutefois à partir des années 1680, la foire annuelle attire de moins en moins d'Autochtones et les coureurs des bois prennent l’habitude d’aller directement auprès d’eux, dans les pays d’En-Haut*, pour y chercher les fourrures.

*Pays d’En-Haut: région qui correspond au bassin des Grands Lacs.

Expansion territoriale et conflits autochtones

« Vers 1660, la Nouvelle-France tout entière change d’attitude vis-à-vis de l’espace continental. C’est alors que commence une période intense d’explorations [...]. Montréal devient véritablement la tête de pont vers l’intérieur, et noue des liens dans un espace de plus en plus vaste, avec la mise en place d’un réseau de postes fortifiés dans la région des Grands Lacs. Ces changements ne vont cependant pas sans conflits, car une telle expansion bouleverse le système de relations des nations autochtones et heurte en particulier l’ambition des Iroquois de contrôler les échanges avec les [Premières Nations] de la région des Grands Lacs. La menace iroquoise domine d’ailleurs toute la fin du siècle et ne prend fin qu’avec la paix de Montréal en 1701. »

Les marchands-équipeurs

Alexis Lemoine dit Monière est né le 14 avril 1680 à Sainte-Anne de La Pérade. Il est marchand-équipeur, c’est-à-dire qu’il s’occupe d’organiser des expéditions pour la traite des fourrures. Il doit s’assurer de recruter des coureurs des bois et posséder l’argent nécessaire pour obtenir des permis de traite. De plus, il doit préparer les canots afin qu’ils soient équipés de nourriture, de tissus, d’outils de travail et de munitions. Tout cela servira de produits d’échange afin de développer des relations commerciales avec les Autochtones. Alexis Lemoine notait ces informations dans des livres de comptes.

Le commerce des fourrures favorise l’essor des marchands-équipeurs ce qui contribue au développement de la bourgeoisie marchande à Montréal.

Question : Arrives-tu à décoder ce que les voyageurs ont rapporté de leur expédition?

Quelques chiffres sur la traite des fourrures à Montréal

• Nombre de marchands-équipeurs à Montréal en 1680 : 35

• Coût du permis de traite et des marchandises de troc pour un voyage: 1600 livres

• Frais de main-d’oeuvre : 1400 livres

• Valeur des fourrures rapportées par les voyageurs (si tout va bien) : 8000 livres

• Population recensée sur l’île de Montréal : 1322 personnes

• Portion de la population active de Montréal qui vit directement ou indirectement du commerce des fourrures à la fin du 17e siècle : 1/3

• Nombre de contrats d’engagements conclus pour des voyages de traite dans les pays d’En-Haut entre 1670 et 1760 : plus de 13 000

• Quantité de fourrures expédiées en France chaque année entre 1700 et 1760 : de 68 000 à 90 000 kilogrammes (équivalent à un poids de 150 000 à 200 000 livres)

Questions : Quelle est la part de profits que peut faire un marchand-équipeur en 1680 si les voyages qu’il commandite se déroulent bien? À ton avis, quels dangers courent les expéditions de voyageurs?

La maison Le Ber-Le Moyne

La maison Le Ber-Le Moyne est le plus vieux bâtiment associé à la traite des fourrures encore debout sur l’île de Montréal. Elle est construite à Lachine en 1669-1671 pour les riches marchands Jacques Le Ber et Charles Le Moyne. Selon eux, l’emplacement de ce poste de traite constitue un endroit stratégique. En effet, les routes navigables de l’ouest débouchant sur les dangereux rapides de Lachine, les convois chargés de fourrures doivent obligatoirement s’y arrêter pour contourner les rapides lorsqu’ils se rendent à la foire annuelle de Montréal.

La foire annuelle de Montréal

Le baron de Lahontan, qui séjourne en Nouvelle-France de 1683 à 1694, décrit la foire annuelle qui se tient à Montréal jusqu’à la fin du 17e siècle:

« [...] les Sauvages* [Autochtones] des grands Lacs du Canada descendent ici presque tous les ans, avec une quantité prodigieuse de Castors qu'ils échangent pour des armes, des chaudières, des haches, des couteaux & mille autres Marchandises sur lesquelles on gagne jusqu’à deux cent pour cent. [...]

Les Coureurs de bois portent d'ici tous les ans des Canots pleins de marchandises chez toutes les Nations Sauvages de ce Continent, d'où ils rapportent de bons Castors. J'en vis revenir il y a sept ou huit jours 25 ou 30 chargés excessivement. II n'y avait que deux ou trois hommes pour conduire chaque canot qui portaient [...] quarante paquets de Castors, valant cent écus chacun. Ils étaient demeurés un an ou 18 mois en leur voyage. »

 * Notice sur l’utilisation du mot « sauvage » dans son contexte historique : En Nouvelle-France, les Européens croient que les peuples autochtones possèdent des croyances et des coutumes inférieures. Ce sentiment de supériorité des Européens se manifeste dans leur projet de colonisation et d’évangélisation ainsi que dans le langage qu’ils utilisent pour décrire les peuples autochtones. De nos jours, l’utilisation du mot « sauvage » est considérée comme péjorative et offensante.

Carte des explorations territoriales

« [Dans le dernier tiers du 17e siècle], la Nouvelle-France connaît une formidable expansion territoriale, qui s'explique par le retour de l'économie basée sur l'exploitation des fourrures. En effet, les explorations vers l'intérieur du continent sont principalement motivées par le besoin de nouveaux territoires de traite, puisque les fourrures se raréfient dans la vallée du Saint-Laurent. De plus, les guerres iroquoises, par leurs attaques contre les Hurons et les Outaouais, alliés habituels des Français, interrompent les arrivages de fourrures à Montréal. Pour contourner ce problème, les Montréalais se passent des intermédiaires et se rendent dans la région des Grands Lacs.»