Contexte

C’est à Montréal que la présence anglophone se fait le plus sentir au Québec, car la population de langue anglaise y est la plus nombreuse. Majoritaire dans le reste du Québec, les francophones ne représentent que 65% de la population à Montréal. Aussi, les confrontations entre les groupes linguistiques seront les plus marquées dans la métropole.

Affichage commercial à Montréal dans les années 1950-1970

Qu’ont en commun les photographies ci-dessus?

Sources des images :

Conrad Poirier, Boutique de tailleur « Max the Tailor », rue Sherbrooke Ouest (1949), Bibliothèque et Archives nationales du Québec, P48,S1,P17389;

Conrad Poirier, Hampton Food Market, rue Sherbrooke Ouest (1949), Bibliothèque et Archives nationales du Québec, P48,S1,P17412;

Conrad Poirier, Magasin de pièces de voiture « Handy Andy », rue Sherbrooke Ouest, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, P48,S1,P17444;

Conrad Poirier, Publicité du commerce « Blue Bonnets Automobile », boulevard Décarie, Bibliothèque et Archives Canada, P48,S1,P17422. Licence : images du domaine public.

Les insolences du frère Untel

« L'État québécois devrait exiger, par loi, le respect de la langue française, comme il exige, par loi, le respect des truites et des orignaux. L'État québécois devrait exiger, par loi, le respect de la langue française par les commerçants et les industriels, quant aux raisons sociales et quant à la publicité. [...] "Nommez-vous et annoncez-vous en français, ou bien je ne vous reconnais pas", pourrait-il leur dire en substance. Et alors, on n'aurait plus de Thivierge Électrique, de Chicoutimi Moving, de Turcotte Tire Service, de Rita's Snack Bar, etc... Si seulement ces deux domaines : réclame commerciale et raisons sociales, étaient surveillés avec autant de soin que le parc des Laurentides, la langue serait sauvée par ici. Mais le Gouvernement sera-t-il assez réaliste pour agir en ce sens ? »

Publiées en 1960, Les insolences du frère Untel dénoncent la pauvreté de la langue et critiquent le système d’éducation au Québec.

La Charte de la langue française

« La loi linguistique adoptée par le Parti québécois le 26 août 1977, communément appelée « loi 101 », est une véritable Charte de la langue française. Parmi les dispositions les plus audacieuses, et les plus critiquées, mentionnons les suivantes :

• Le français est la langue unique de la législation et de la justice. Non seulement les procès doivent-ils se tenir en français, mais les jugements devront être rendus en français. [...]

• L’affichage commercial et public doit être uniquement en français. L’anglais est proscrit dans l’affichage. Tous les commerces sont tenus d’afficher uniquement en français, faute de quoi ils recevront des amendes. [...]

• Seuls les enfants de la minorité anglophone auront accès à l’école anglaise. Finis les tests linguistiques! Les écoles anglaises ne seront désormais accessibles qu’aux enfants dont les parents auront eux-mêmes fréquenté le réseau anglophone. [...] [Cette disposition] affecte surtout les immigrants arrivés après l’adoption de la loi 101. Ceux-ci sont désormais contraints d’envoyer leurs enfants dans le réseau français jusqu’à la fin du secondaire. »

Conflit à Saint-Léonard

« En 1968, 40 % des habitants du quartier Saint-Léonard sont des immigrants d'origine italienne dont les enfants fréquentent, pour la plupart, l'école anglaise. Cette tendance est répandue à la grandeur du Québec, où 90 % des néo-Québécois optent pour l'école anglaise. Les francophones de Saint-Léonard [...] exigent que le français soit reconnu comme seule langue d'enseignement, ce que leur commission scolaire adopte le 27 juin 1968. À la rentrée scolaire, les nouveaux élèves du primaire doivent s'inscrire à l'école française, au grand désarroi de la communauté italienne. [...]

Les anglophones [de Saint-Léonard] souhaitent prendre possession de l'école secondaire Aimé-Renaud, afin qu'on y dispense un enseignement en langue anglaise uniquement. Les francophones s'y opposent et occupent l'école pendant 10 jours. L'événement fait les manchettes et contribue à étendre le conflit linguistique de Saint-Léonard à la grandeur du Québec. Des manifestations d'appui, tant du côté francophone qu'anglophone, s'organisent rapidement dans les rues de Montréal. La crise linguistique est déclenchée. Le gouvernement québécois n'a plus le choix, il doit trouver une solution pour calmer les esprits! »

La langue officielle du Québec

« Aussi l’inquiétude est-elle allée croissante, surtout à Montréal où les immigrants, en envoyant leurs enfants à l’école anglaise, s’intègrent à la communauté anglophone. Certains prédisent déjà que la communauté francophone, aux prises avec une baisse majeure du taux de natalité, deviendra minoritaire. [...]

En 1974, le gouvernement libéral de Robert Bourassa a fait adopter le projet de loi 22 qui proclame le français langue officielle du Québec et qui limite l’accès aux écoles anglaises aux enfants qui démontrent une connaissance de cette langue. Mais cette loi n’a pas satisfait la majorité francophone et a suscité le ressentiment des anglophones et des allophones [...].»

Des réactions nombreuses au bill 63

Le 31 octobre 1969, entre 15 000 et 30 000 personnes manifestent contre le bill 63 devant le Parlement de Québec. Cette loi stipule entre autres que les parents ont le choix de la langue d’enseignement de leurs enfants.

« Faisant allusion au nombre des manifestants, M. Angers [président du Front du Québec français (FQF)] a affirmé [...] « Reste à savoir si Bertrand aura compris et si mardi prochain, il consentira à retirer le bill 63 », [...] pendant qu'une partie des manifestants scandaient: "Démission, dé­mission". M. Angers a en outre indiqué que si le bill 63 était voté, la "prochaine manche" consistera à voter pour un parti politique qui appuie les idées du FQF lors des prochaines élections. [...]

Quant à M. Pierre Bourgault, qui a terminé son discours en lançant: « Vive le Québec indépendant français! », il a déclaré « [...] la bataille ne fait que commencer» et qu'elle se poursuivra « jusqu'à la victoire finale du peuple du Québec. »

Note sur l'image : Jean-Jacques Bertrand dépose le bill 63 appuyé par les libéraux de Jean Lesage. À ton avis, pourquoi la boite postale explose-t-elle?

La Commission Laurendeau-Dunton et ses suites

Créée par le gouvernement fédéral, la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme (mieux connue sous le nom de Commission Laurendeau-Dunton) dépose un imposant rapport préliminaire en 1965. Elle conclut, notamment, que les francophones se situent parmi les plus bas salariés au Canada et sont souvent obligés de travailler en anglais pour trouver et garder un emploi. Il leur est impossible de travailler dans leur langue au sein des organismes du gouvernement fédéral, ni d’en recevoir des services en français. Elle recommande donc que le français et l’anglais soient déclarés langues officielles du Canada. Suite à cette commission, le gouvernement du Canada adopte en 1969 la loi sur les langues officielles qui reconnaît le bilinguisme du pays.

L’élection du Parti québécois

Les revendications liées à la langue française étant étroitement associées à la montée du nationalisme québécois, le Parti québécois en a fait un enjeu électoral qui a mené à son élection en 1976. Une fois élu, René Lévesque a voulu faire de cette loi la première tâche du gouvernement en l’appelant projet de loi 1, devenue plus tard projet de loi 101 et enfin Charte de la langue française.

Comme le soulignera René Lévesque quelques années plus tard, la loi 22 du gouvernement de Robert Bourassa était assez près de sa propre position politique. Le Parti québécois s’est pourtant farouchement opposé au projet de loi 22. Le débat public s'éternisant, la loi avait été mal reçue par les francophones et rejetée par les anglophones.