Contexte

À partir 1830, l’agriculture est en crise : la principale activité agricole du Québec, le blé, s’effondre. Les agriculteurs doivent donc trouver des alternatives. L’agriculture se transforme progressivement au point d’être dominée par l’industrie laitière vers 1870. La crise agricole en pousse certains à quitter la campagne pour se diriger vers les villes. Celles-ci connaissent en effet une croissance sans précédent en raison de l’industrialisation. Le développement industriel et urbain aura un impact important sur l’industrie laitière au Québec.

La relation entre le laitier et ses clients

La relation entre le laitier et ses clients est particulière. Chaque laitier fait sa « run de lait » c’est-à-dire qu’il passe de maison en maison afin de distribuer les bouteilles de lait. Voici le témoignage d’un ancien laitier de la Ferme de Saint-Laurent :

« Moi, j’avais un trousseau de clés et j’ouvrais les portes quand les clients n’étaient pas là. Je mettais le lait dans le frigidaire et, à la fin de la semaine, je leur marquais : « Vous me devez tant ». Et le lendemain matin je l’avais sur la table. C’était comme ça. Il y avait une confiance qui régnait. »

Définitions

Urbanisation : attirées par le travail, les populations rurales quittent la campagne pour la ville. L’urbanisation entraîne d’importants changements sociaux qui ont un impact majeur sur la vie des familles : le travail, les rapports sociaux et l’alimentation changent.

Industrialisation : l'industrialisation est le processus de fabrication de produits manufacturés à l’aide de techniques permettant une forte productivité du travail et regroupant les travailleurs dans des usines avec des horaires fixes et une réglementation stricte.

Jacques Janvier Joubert, laitier

«En 1890, Jacques Janvier Joubert, âgé d’une vingtaine d’années, gère la ferme familiale située à Saint-Léonard-de-Port-Maurice, dans le nord-est de l’Île de Montréal. Possédant plusieurs vaches laitières, il décide de distribuer lui-même son lait. Bien que sa ferme se trouve à près de six kilomètres de la ville, il considère que la croissance du marché urbain offre des perspectives intéressantes pour un homme d’affaires avisé. L’avenir ne tarde pas à lui donner raison. Malgré la distance à parcourir sur des chemins parfois poussiéreux, Joubert se rend à la ville régulièrement pour y vendre le lait. [...]

La croissance du marché l’incite à délaisser la production laitière pour se consacrer uniquement à la distribution du lait. Il déménage alors à Montréal et installe sa première usine d’embouteillage sur la rue Rachel, en 1899. »

Les produits de la Laiterie Canadienne limitée

« L’accroissement du marché montréalais incite également plusieurs entreprises à diversifier l’offre de produits. Il y a bien sûr la crème, le beurre et même le lait au chocolat qui sont déjà bien connus de la clientèle. D’autres aliments comme le fromage à la crème, le cottage, le yogourt ou la crème sûre, s’imposent surtout à partir des années 1930 et 1940. »

La contamination du lait

La Commission du bon lait de la Société médicale de Montréal est mise en place en 1907. Dans un article intitulé « L’empoisonnement par le lait », le président de cette Commission, le docteur Amédée Marien, écrit :

« Le lait contient du fumier, de l'urine, des poux, des vers, du sang, du pus, et beaucoup d'autres saletés encore. [...] Les paysans se lavent mal les mains et se les lavent rarement à I'étable. Aussi comme ils font la traite des vaches, après avoir fait leur train, c'est-à-dire après avoir manipulé les fumiers, les fourrages, après avoir pansé les chevaux, l'on peut se faire une idée de la malpropreté de leurs mains qu'ils ne lavent pas, avant de traire les vaches. [...] Ils se mouchent avec leurs doigts et souvent crachent dans leurs mains pour faciliter le glissement des doigts sur le trayon.»

Aussi, en 1925, la Ville de Montréal décide de rendre obligatoire la pasteurisation du lait vendu sur son territoire afin de réduire les risques de maladies liées au lait de mauvaise qualité. Cela entraînera la fermeture de nombreuses petites laiteries qui ne sont pas assez riches pour se procurer les équipements nécessaires à la pasteurisation.

Embouteillage à la Laiterie Canadienne vers 1938

Au départ le lait était vendu en vrac. Chaque client arrivait avec son bidon ou un contenant quelconque et le laitier transvasait la quantité demandée. À partir du début du 20e siècle, on construit des usines d’embouteillage. La plupart s’installent dans les villes. À Montréal, elles sont présentes dans presque tous les quartiers. Cela uniformise le produit et sa qualité.

Éducation aux nouvelles pratiques agricoles

« Alors je suis rentré directement au laboratoire après avoir pris un cours à l’école de laiterie de Saint-Hyacinthe, le cours d’essayeur de lait. Il fallait améliorer la qualité du lait à la base, pour améliorer notre qualité de lait à la revente. La pasteurisation normale détruit toutes les bactéries pathogènes, mais ne détruit pas nécessairement toutes les bactéries. Alors les bactéries, plus tu en as au départ, plus il t’en reste après la pasteurisation. L’effet est directement proportionnel sur la durée de votre produit. Alors plus le lait que tu vends est exempt de bactéries, plus il se rendait loin après ça. On devait se rendre chez les cultivateurs pour améliorer les mesures d’hygiène. On n’était plus à l’époque du rinçage seulement. J’allais sur les fermes deux à trois fois par semaine. Alors le travail était au début plus sur les fermes qu’au laboratoire, et après ça a été contraire.»

La ferme St-Laurent

La ferme St-Laurent est fondée en 1927, lorsque 39 laitiers décident de se regrouper et de former une coopérative. Chaque membre contribue à ce projet en donnant un montant de 500 dollars, ce qui accroît le pouvoir d’achat des laitiers. Ainsi, la coopérative achète deux terrains à Montréal et y installe une usine. La formule de coopérative attire plusieurs laitiers puisque chaque membre reste indépendant et obtient une part des profits.

Expansion des beurreries et fromageries au Québec de 1871 à 1901

Au départ les cultivateurs se regroupent en coopérative pour garantir l’approvisionnement des beurreries et fromageries. Ceux qui approvisionnent les laiteries de la ville demeurent souvent indépendants et sont en contact directement avec les entreprises.