Le plan d’une seigneurie

Hérité du modèle féodal français, le régime seigneurial en usage en Nouvelle-France favorise le peuplement et la mise en valeur des terres de la colonie. Il est régi par un système de droits et devoirs qui lient entre eux le roi, le seigneur et ses censitaires. Le roi est au sommet de ce système, ensuite le seigneur et les censitaires. Les seigneuries sont établies en longues bandes étroites pour que le plus de personnes possible aient accès au fleuve Saint-Laurent.

Observe ce plan d’une seigneurie et tente d’y inscrire chacun des numéros dans les petits cercles prévus à cet effet.

1. Manoir : la maison du seigneur

2. Moulin banal : le moulin à farine

3. Terre de la Fabrique : la terre cédée à l’Église

4. Domaine (incluant terre et manoir) : le fief du seigneur

5. Montée : routes entre les censives

6. Terres concédées aux paysans : censives

7. Bâtiment de ferme : ferme du censitaire

8. Rang : route rurale bordant les censives

9. Commune : lieu de pâturage du bétail

Que peux-tu affirmer par rapport à l‘organisation du territoire lorsque tu observes le plan de la seigneurie ?

La perception du cens et de la rente

« La seigneurie constitue un privilège en ce sens qu'elle renferme un ensemble de droits onéreux* ou honorifiques qui fondent la distinction économique et sociale du seigneur. Plusieurs de ces droits consistent en redevances prélevées sur chacun des habitants qui ont des terres dans la seigneurie. Ainsi, le seigneur perçoit annuellement le cens, une redevance plutôt symbolique d'origine féodale qui donne leur nom à la censive - la terre sur laquelle porte le cens - et au censitaire - le propriétaire de cette terre. Une rente non négligeable versée en argent ou en nature est également perçue en même temps que le cens. Selon les termes des contrats de concession des censives le seigneur peut de plus prélever des droits pour la commune ou encore pour la pêche. »

*Droits onéreux : droits qui rapportent des sommes en argent ou des biens en nature.

Rendre foi et hommage

« La prise de possession [d’une seigneurie] accomplie et dûment authentifiée par acte notarié, le nouveau titulaire doit présenter la foi et hommage au roi [...]. C’est une affirmation de sa fidélité et de son engagement à remplir ses devoirs de seigneur. C’est pour quoi il doit, dans le cas d’un fief*, se rendre au château Saint-Louis (siège du gouverneur général, donc du représentant du roi); et là, devant l’intendant [...], il enlève ses armes, met un « genouil en terre » et prononce la formule de la foi et hommage : cérémonie dont le secrétaire de l’intendant lui délivre procès-verbal. »

* Fief : terre concédée par le roi à un seigneur moyennant certains devoirs. C’est une autre manière de désigner la seigneurie.

Tenir feu et lieu

« [...] Sa Majesté étant en son conseil a ordonné et ordonne que dans un an du jour de la publication du présent arrêt, pour toute préfixion* et délai, les habitants de la Nouvelle-France qui n’habitent point sur les terres qui leur ont été concédées, seront tenus d’y tenir feu et lieu, et de les mettre en valeur, faute de quoi et le dit temps passé [...] comme les dits habitants auront été un an sans tenir feu et lieu sur leurs terres, et ne les auront point mises en valeur, ils soient déchus de la propriété [...] ».

*Préfixion : action de fixer un délai.

Le moulin banal

Le seigneur doit construire et entretenir un moulin banal*. Cela lui permettra de recevoir 1/14 des grains moulus par les habitants de la seigneurie. En contrepartie, les censitaires peuvent se servir du moulin à blé pourvu qu’ils paient le droit de mouture.

* Banal : qui appartient au seigneur et que les censitaires sont contraints d’utiliser en échange de redevances.

Rendre foi et hommage au seigneur

Comme le seigneur envers le roi, le censitaire rend foi et hommage à son seigneur.

Vendre la terre

Le seigneur a pour devoir de payer aux autorités coloniales un cinquième de la somme qu’il reçoit lorsqu’il vend sa seigneurie. Il s’acquitte ainsi du droit de quint.

De son côté, lorsqu’il vend sa terre, le censitaire doit payer les lods et vente au seigneur. Il s’agit d’une taxe de vente qui représente un douzième de la valeur de sa censive.

Les corvées

« Le seigneur impose des corvées. [...] Ici, le nombre des jours de corvée est exactement prévu dans le contrat de concession, et ce nombre est très limité. Il est de trois jours par année, de quatre au plus; les censitaires font une journée de corvée à l’époque des semailles, une deuxième dans le temps des foins, une troisième au moment de la récolte, un quatrième (si cette dernière est prévue dans le contrat) aux travaux des guérets*. Le censitaire reste toujours libre de s’en dispenser moyennement 40 sols par jour de corvée (environ 2$ de nos jours). »

De plus, le seigneur et les censitaires doivent entretenir les chemins de la seigneurie, ce qu’on désigne par l’expression «souffrir les chemins».

*Guérets : terres qui ne sont pas encore ensemencées, mais qui sont déjà labourées et prêtes à recevoir les semailles.

Les droits honorifiques du seigneur

« Aux droits lucratifs, monopoles et servitudes s’ajoutent des droits honorifiques attribués aux seigneurs. [...] Les privilèges honorifiques revêtent une importance symbolique et contribuent à consolider le pouvoir du seigneur. C’est d’abord à l’église, principal lieu de la vie communautaire, que s’observe la préséance du seigneur. [...] Le seigneur et sa famille ont droit à un banc seigneurial (au premier rang du côté droit), à une mention spéciale dans les prières de la communauté, à la priorité lorsque vient le temps de recevoir l’eau bénite, le pain bénit, les cierges, les cendres et les rameaux. Dans les processions, ils marchent en tête, tout juste précédés du curé. À leur décès, ils peuvent être enterrés sous leur banc. L’inhumation à l’intérieur de l’église constitue sans doute l’une des principales affirmations de la primauté du seigneur sur les censitaires. »

Concéder les terres

Le seigneur reçoit un fief afin de favoriser le peuplement de la Nouvelle-France. Si un paysan lui demande une terre, il doit lui concéder. De son côté, le paysan doit défricher la terre, c’est-à-dire qu’il doit abattre la forêt et préparer la terre pour l’agriculture.

S’ils sont présents sur la seigneurie, le bois de chêne et le minerai doivent être réservés pour le roi. Ils serviront notamment à la construction de navires.

La commune

Le seigneur peut mettre à la disposition de ses censitaires un endroit où chacun ira faire paître son bétail. Les censitaires doivent payer un droit de commune pour pouvoir y accéder. Généralement, les terres communales se situent près de l’eau.

La justice seigneuriale

Le système de justice de la Nouvelle-France comprend une justice royale et une justice seigneuriale. En effet, le seigneur est tenu de mettre en place une cour seigneuriale et d’en payer les frais. Les censitaires ont le droit de recourir au tribunal seigneurial.

Aveu et dénombrement

Le seigneur doit rendre des comptes aux autorités. En effet, il a pour devoir de faire l’aveu et dénombrement de sa seigneurie, c’est-à-dire qu’il doit décrire chacune de ses terres concédées en donnant le nom des censitaires de chaque terre, l’étendue des cultures et le montant des cens et des rentes.