Contexte

Pendant toute la période de la Nouvelle-France, le commerce des fourrures occupe une place centrale dans l’économie. Au 18e siècle, il représente jusqu’à 70% de ses exportations. Il implique de nombreux acteurs qui interviennent dans différentes étapes du commerce : la recherche des pelleteries, leur échange, leur transport jusqu’aux villes de la colonie puis jusqu’à la métropole, leur transformation et finalement, leur vente.

Antoine, coureur des bois

Le coureur des bois est une figure marquante de l’histoire de la Nouvelle-France. Elle a inspiré de nombreux romans historiques, comme celui d’Adrienne Leduc cité ci-dessous. Selon cet extrait de roman, qu’est-ce qu’un coureur des bois et quelles qualités devait-il posséder?

« Une semaine plus tard, leur canoë plein à rebord de produits d’échange, soit du brandy, de la nourriture, trois arquebuses, des couvertures de laine et des peaux d’orignaux, ils étaient prêts pour le départ. [...] Antoine, qui entreprenait un voyage illégal dont le but était la traite des fourrures [avec les Autochtones], éprouvait une joie physique, pendant que la canoë avançait en suivant les méandres de la rivière. [...]

Plus ils avançaient des rapides, plus Antoine en percevait l’intensité. Ils se dirigèrent vers le rivage et se préparèrent pour le premier portage. Ils devaient porter sur leurs épaules les marchandises destinées aux échanges. Celles-ci étaient retenues par une courroie de cuir qui ceignait leur front. Ils durent faire plusieurs allers-retours sur la rive orientale, en se protégeant des moustiques comme ils le pouvaient. [...]

Après une longue journée passée à pagayer, ils accostèrent finalement. Antoine étouffa un gémissement en élevant ses bras de bas en haut, pour se détendre. Son cou et son dos le faisaient souffrir et ses jambes étaient raides. Ce soir-là, enveloppé dans sa couverture, il fixa les braises ardentes du feu de camp en pensant à l’immensité de ce territoire. »

La chasse au castor

Un Jésuite raconte la trappe du castor au printemps : « [...] les Sauvages* [Autochtones] s’y connaissent fort bien à ce genre de piège. Lorsque l’animal vient manger de son bois préféré, une grosse pièce de bois tombe sur lui et l’assomme. [...] Pendant l’hiver, [les Autochtones] le prennent sous la glace, au moyen d’un filet. Voici comment: on fend la glace en long, proche de la cabane du castor. On met par la fente un filet et du bois qui sert d’amorce. Le pauvre animal, venant chercher à manger, s’enlace dans ces filets de bonne et forte ficelle double. [...] On sort l’animal par l’ouverture faite dans la glace et on l’assomme avec un gros bâton. »

* Notice sur l’utilisation du mot « sauvage » dans son contexte historique : En Nouvelle-France, les Européens croient que les peuples autochtones possèdent des croyances et des coutumes inférieures. Ce sentiment de supériorité des Européens se manifeste dans leur projet de colonisation et d’évangélisation ainsi que dans le langage qu’ils utilisent pour décrire les peuples autochtones. De nos jours, l’utilisation du mot « sauvage » est considérée comme péjorative et offensante.

Le chapeau de castor fait en feutre à partir du sous-poil du castor (17e siècle)

Le duvet de castor d’Amérique était utilisé par les chapeliers français pour confectionner des couvre-chefs en feutre imperméables de toutes sortes de formes. La mode des chapeaux de castor se répand partout en Europe, dans toutes les couches de la société.

Des postes de traite

Après 1670, les Français construisent de nombreux postes dans les territoires de traite situés à l’ouest de Montréal et au nord des Grands Lacs, dans la région qu’ils surnomment les Pays d’en-Haut. Les Autochtones viennent y rencontrer les Européens pour échanger leurs peaux contre des marchandises. Ces postes fortifiés servent également à assurer une mainmise sur le territoire.

Les coureurs des bois au 18e siècle

Vidéo de l’Office national du film du Canada sur les coureurs de bois (1978) :

http://www.onf.ca/film/canada_vignettes_coureurs_des_bois

Le système des congés de traite

En 1681, pour éviter qu’un trop grand nombre de jeunes hommes quittent la vallée du Saint-Laurent pour se livrer à la course de bois, les autorités instaurent un système de congés [permis] pour la traite des fourrures. Les coureurs des bois deviennent dès lors des professionnels qui prennent le nom de « voyageurs ». Ceux qui n’obtiennent pas de permis tombent dans l’illégalité.

«Nous [Charles, marquis de Beauharnois] avons permis au sieur de La Vérendrye, capitaine dans les troupes et commandant pour le roi au poste de la Mer de l’Ouest, de faire partir de la ville de Montréal quatre canots, équipés de six hommes chacun [...]. Et d’embarquer dans ledit canot les effets et marchandises propres pour la traite audit poste avec les vivres et provisions nécessaires pour la subsistance desdits conducteurs et celles des autres engagés pendant le voyage. [...] Permettons aux dits engagés d’embarquer dans ledit canot la quantité de quatre pots d’eau-de-vie par homme, laquelle servira pour leur usage seulement, sans qu’ils puissent en traiter aux Sauvages* [Autochtones] sous quelque cause, prétexte que ce soit.»

* Notice sur l’utilisation du mot « sauvage » dans son contexte historique : En Nouvelle-France, les Européens croient que les peuples autochtones possèdent des croyances et des coutumes inférieures. Ce sentiment de supériorité des Européens se manifeste dans leur projet de colonisation et d’évangélisation ainsi que dans le langage qu’ils utilisent pour décrire les peuples autochtones. De nos jours, l’utilisation du mot « sauvage » est considérée comme péjorative et offensante.

La foire annuelle des fourrures à Montréal

Jusqu’à la fin des années 1670, les Autochtones se déplacent en grand nombre pour échanger leurs fourrures de castors avec les marchands de Montréal. En 1672, ils sont environ 900. À partir des années 1680 toutefois, la foire annuelle attire de moins en moins d'Autochtones et les coureurs des bois prennent l’habitude d’aller directement auprès d’eux, dans les pays d’En-Haut*, pour y chercher les fourrures.

*Pays d’En-Haut: région qui correspond au bassin des Grands Lacs.

L’état des pelleteries provenant de la traite du fort Frontenac (1702)

Le castor n’est pas le seul animal dont la peau soit objet de commerce. Cet inventaire en nomme plusieurs autres, dont la loutre, la martre, le chevreuil, l’ours, l’orignal, le cerf ou le renard. Néanmoins, le castor demeure le plus populaire. Entre 1660 et 1760, 25 millions de peaux de castor auraient été expédiées en France!

L’évolution des canots

Le transport des fourrures s’effectue par canot à l’époque de la Nouvelle-France. Hérité des Autochtones, cette embarcation évolue pendant le Régime français afin d’acheminer des quantités croissantes de pelleteries. Ainsi, au 17e siècle, les canots, d’une longueur de 8 mètres, peuvent contenir un équipage de 3-4 personnes et 1000 kg de marchandises. Au milieu du siècle suivant, les embarcations font 10 à 12 mètres de long, et ont désormais un capacité de 8 à 12 hommes et de 3000 kg de fourrures et d’équipements.

Règlement pour la traite avec les Autochtones

Le transport des fourrures vers l’Europe

C’est du port de Québec que partent les fourrures vers l’Europe, sur de gros bateaux transatlantiques à deux ou trois mâts pouvant contenir de grandes quantités de marchandises. Les vents dominants et les courants étant généralement favorables à la navigation entre la Nouvelle-France et la métropole, le voyage dure en moyenne cinq semaines et ne peut être effectué que pendant la saison estivale. Le nombre des navires reliant la colonie à la métropole passe de quatre par année au 16e siècle, à 25 vers 1725.

Pour acheminer les fourrures de Montréal ou Trois-Rivières jusqu’au port de Québec, on utilise de plus petites embarcations à fond plat, mûs à la voile ou à la rame. Le fleuve Saint-Laurent constitue la voie de transport la plus fréquentée pendant l’été. De Montréal à Québec, ce voyage prend environ trois jours. Enfin, au-delà de Montréal, seuls les canots peuvent faire le trajet vers la région des Grands Lacs.