L'arrivée des Filles du Roy

En 1663, le roi Louis XIV transforme la Nouvelle-France en colonie royale et reprend en main la destinée de la colonie. Avec l’aide de son ministre de la Marine Jean-Baptiste Colbert, il réorganise les structures administratives de la colonie et adopte plusieurs politiques pour assurer une meilleure croissance de son économie et de sa population.

Pour favoriser le peuplement de la Nouvelle-France, le roi de France envoie des jeunes femmes dans la colonie. Un grand nombre de ces filles célibataires proviennent de milieux défavorisés, ayant été élevées dans institutions publiques telles que des hôpitaux généraux ou des orphelinats. L’image ci-contre illustre l’arrivée de ces jeunes femmes à Québec en 1667, alors que l’intendant Jean Talon, l’évêque Mgr de Laval et plusieurs colons les accueillent. Selon toi, est-ce que cette aquarelle concorde avec les faits décrits ci-haut? Justifie ta réponse.

Les politiques de peuplement

À partir de 1663, le ministre de la marine Jean-Baptiste Colbert adopte une série de politiques pour favoriser le peuplement de la Nouvelle-France et l’exploitation de ses ressources naturelles. Il crée également un poste d’intendant afin de soutenir la croissance de la colonie.

Ainsi, l’État oblige les commerçants à prendre des engagés sur leurs navires lorsqu’ils font la traversée vers Québec. Il encourage de plus les officiers du régiment de Carignan-Salières à s’établir dans la colonie en leur offrant des seigneuries. Enfin, il envoie des Filles du Roy en Nouvelle-France pour aider la croissance naturelle de la population.

Les Filles du Roy

Voici la définition que l’historien Yves Landry donne des Filles du Roy :

« Immigrantes, filles ou veuves, venues au Canada de 1663 à 1673 inclusivement et ayant présumément bénéficié de l’aide royale dans leur transport ou leur établissement, ou dans l’un et l’autre. »

Note sur l’image: Louis XIV a été roi de France de 1643 à 1715. C’est sous son règne que la Nouvelle-France devient une colonie royale et que les Filles du Roy viennent s’y établir.

La Salpêtrière (Paris)

Rattachée à l’Hôpital général de Paris, La Salpêtrière accueillait au 17e siècle les filles pauvres, sans famille et sans dot, ainsi que les filles de petits nobles sans argent. On leur inculquait un enseignement religieux en plus de leur apprendre à lire et à faire des travaux de couture et de broderie. Plus de la moitié des Filles du Roy étaient pensionnaires dans cette institution avant leur venue en Nouvelle-France.

La traversée

Au 17e siècle, la traversée des navires de France vers la Nouvelle-France prend environ deux mois. Les conditions de voyage sont généralement pénibles. En plus des risques relatifs aux tempêtes, beaucoup souffrent du mal de mer, du scorbut ou d’autres maladies intestinales. Ainsi, parmi les 850 Filles du Roy qui seraient parties vers la colonie, seules 770 y parviennent et plusieurs se plaignent du voyage, comme l’écrit Jean Talon à Colbert en 1667 :

« [Les Filles du Roy] m’ont fait de grandes plaintes du [traitement] qu’elles ont reçu sur la mer, et elles m’ont assuré que, du moment qu’elles ont été sous la voile, elles n’ont reconnu ni humanité dans les officiers de leur bord, qui les ont fait beaucoup souffrir de la faim, ne leur donnant qu’un léger repas le matin et, le soir pour souper, un bien peu de biscuit sans aucune suite. »

Proportion d’hommes et de femmes en Nouvelle-France en 1666

La maison Saint-Gabriel

En 1668, Marguerite Bourgeoys, fondatrice de la Congrégation de Notre-Dame, acquiert cette maison de Pointe-Saint-Charles. Ses soeurs et elle y accueillent les Filles du Roy jusqu’à leur mariage.

L'arrivée des Filles du Roy

Dans cette lettre du mois d’octobre 1665, Marie de l’Incarnation raconte à son fils l’arrivée de Filles du Roy au port de Québec :

« Les vaisseaux ne sont pas plutôt arrivés que les jeunes hommes y vont chercher des femmes et dans le plus grand nombre des uns et des autres, on les marie par trentaine… Les plus avisés commencent à faire une habitation un an [avant] de se marier, parce que ceux qui ont une habitation trouvent un meilleur parti. C’est la première chose [dont] les filles s’informent et elles font sagement parce que ceux qui ne sont pas établis souffrent beaucoup avant d’être à l’aise. »

Lettre de l’intendant Jean Talon au ministre de la Marine Colbert (1670)

« Toutes les filles venues cette année sont mariées, à quinze près, que j’ai fait distribuées dans des familles connues, en attendant que les soldats qui les demandent aient formé quelques établissements et acquis de quoi les nourrir. Pour avancer le mariage de ces filles, je leur ai fait donner, ainsi que j’ai accoutumé de faire, outre quelques subsistances, la somme de cinquante livres, monnaie de Canada, en denrées propre à leur ménage.

[...] Il serait bon de recommander fortement que celles qui seront destinées pour ce pays, ne soient aucunement disgraciées de la nature, qu’elles n’aient rien de rebutant à l’extérieur, qu’elles soient saines et fortes pour le travail de campagne, ou du moins qu’elles aient quelque industrie pour les ouvrages de main: j’en écris en ce sens à messieurs les directeurs. [...]

Les filles envoyées l’an passé sont mariées et presque toutes ou sont grosses ou ont eu des enfants, marque de la fécondité de ce pays. »

Lettre du ministre Colbert à l’intendant Jean Talon

« Sa Majesté [...] a donné les ordres nécessaires pour envoyer cette année 150 filles. Ainsi je m’assure qu’aussitôt qu’elles seront arrivées, vous travaillerez à les établir et les marier avec lesdits soldats et les autres habitants, en sorte que la colonie en recevra une augmentation considérable.

Vous avez fort bien fait de faire ordonner que les volontaires seraient privés de la chasse et de la traite s’ils ne se mariaient pas quinze jours après l’arrivée des vaisseaux qui apporteront les filles. [...] »