Contexte

Après la Seconde Guerre mondiale, le Québec entre dans une période de prospérité sans précédent qui s’étale sur une trentaine d’années. Ainsi, de manière générale, la production québécoise augmente alors que le nombre des emplois s’accroît. Le revenu des ménages connaît une hausse importante, d’autant plus que les femmes investissent le marché du travail, ce qui procure un second salaire à bien des familles. Dans ces circonstances, le mode de vie à l’américaine, basé sur la consommation de masse, trouve un terrain propice pour s’implanter.

Les Québécois et la consommation

Selon Pierre Couture du journal Le Soleil, « Les ménages canadiens sont de plus en plus accros aux dettes. Leur ratio d'endettement par rapport au revenu disponible atteint maintenant 163,4 %. Autrement dit, pour chaque tranche de revenus de 1000 $, leur dette s'élève à 1634 $. Un nouveau sommet. »

Question : À ton avis, pourquoi les Canadiens sont-ils si endettés? Sais-tu quand et pourquoi ce phénomène a débuté?

Quelques chiffres sur la consommation après la Seconde Guerre mondiale

L’industrie des électroménagers

« L'essor de l'industrie des appareils électroménagers est un phénomène de l'après-guerre résultant de la forte croissance de la demande pour les biens de consommation aux États-Unis dans les années 50.

À cette époque, les principaux appareils sont d'abord fabriqués aux États-Unis, puis importés au Canada. Des marques comme Kelvinator, Frigidaire, Philco, General Electric (GE) et Westinghouse sont bien connues des foyers canadiens. À cause des tarifs douaniers élevés, la majorité des fabricants américains trouvent plus rentable de fabriquer ces appareils au Canada lorsque le volume des ventes est suffisamment important pour réaliser des économies d'échelle appréciables. Par conséquent, l'industrie canadienne se voit en grande partie dominée par des capitaux étrangers, bien que le niveau des tarifs douaniers favorise la réussite de quelques entrepreneurs canadiens à l'échelle régionale. »

La télévision

Le 6 septembre 1952, la station CBFT entre en onde, diffusant pour la première fois une émission de télévision réalisée dans des studios du Québec. Détenue par la Société Radio-Canada, la station propose une programmation bilingue, 60% en français et 40% en anglais, jusqu’à la naissance d’une station uniquement anglophone (CBMT) deux ans plus tard.

La création de CBFT et de CBMT répond à la préoccupation qu’a le gouvernement de fournir des alternatives aux émissions de télévision en provenance des États-Unis. En effet, avant même la naissance des chaînes canadiennes, quelques 7500 foyers montréalais sont équipés d’un téléviseur. Ce média propage les valeurs de la société étatsunienne et diffuse un grand nombre de publicités qui incitent à la consommation.

La facilité d’accès au crédit

« L’essor de la consommation est fortement soutenu par la croissance du crédit. Les banques et les caisses populaires, avec leurs énormes réservoirs d’épargne, interviennent de plus en plus dans ce champ d’activité et le lancement des grandes cartes de crédit à usage quasi universel étend encore plus leur emprise. Les intérêts payés sur les dettes de consommation, qui sont de 37 millions de dollars en 1961, dépassent le milliard vingt ans plus tard. »

Le développement des banlieues

La multiplication du nombre d’automobiles après la Seconde Guerre mondiale favorise le développement des banlieues autour des grands centres urbains. La population y est beaucoup moins dense qu’en ville. Les familles y vivent dans des maisons unifamiliales, entourées de pelouse, loin de la pollution du centre-ville.

Ce phénomène entraîne un étalement urbain de plus en plus grand. Ainsi, à Montréal, les deux tiers de la population résident dans un rayon de 6 kilomètres du centre-ville en 1941. Vingt ans plus tard, ce rayon s’étale désormais sur douze kilomètres.

L’avènement de la société de consommation

« [...] Acheter pour son plaisir ou pour satisfaire un nouveau besoin - ce qui était vu comme une imprévoyance téméraire à l'époque où la très grande majorité des familles étaient occupées à satisfaire leurs besoins de base - s'est peu à peu imposé comme une nouvelle norme de comportement. Et le sentiment de privation chronique des familles ouvrières des villes s'est mué en aspiration à consommer toujours plus. La publicité a joué un rôle déterminant dans ce changement. S'il est difficile de prétendre que la publicité crée des besoins, une chose est cependant certaine : la publicité a légitimé la consommation marchande [...]. »

L’American Way of Life

Après la Seconde Guerre mondiale, les Québécois adoptent les valeurs de l’American Way of Life. Ce mode de vie « à l’américaine » exhale un idéal selon lequel la consommation est un gage de bonheur. Il repose sur la réussite personnelle, sur l’accès à la propriété, la pratique des loisirs et sur l’habitude de consommer des biens autrefois inaccessibles tels l’automobile et les appareils électroménagers. Ces objets modernes facilitent la vie des ménagères, car ils allègent grandement leurs tâches quotidiennes, un aspect sur lequel la publicité insiste fortement. Cela est d’autant plus pertinent étant donné que les femmes travaillent de plus en plus à l’extérieur du foyer.

L’augmentation du pouvoir d’achat

De 1930 à 1970, le niveau des prix augmente plus lentement que celui du revenu des Québécois. Ainsi, le pouvoir d’achat, c’est-à-dire la capacité d’une personne à consommer des biens et des services selon son revenu, s’accroît, Durant cette période, le salaire des Québécois augmente plus rapidement que le coût de la vie qui lui, fluctue peu. Par exemple, entre 1930 et 1970, le revenu des Québécois s’accroît de 315%. En comparaison, entre 1933 et 1965, le prix d’une miche de pain augmente de 30%, celui d’une douzaine d’œufs de 142% et celui d’une pinte de lait de 260%. Par conséquent, la capacité à consommer devient plus grande.

Question : En observant les graphiques,que peux-tu constater par rapport au salaire des Québécois et des Canadiens entre 1930 et 1970?

L’essor des centres commerciaux

Grâce à un pouvoir d’achat en croissance, les familles québécoises s’adonnent en grand nombre au magasinage, une activité auparavant réservée aux familles aisées. Cela provoque la floraison de nombreux centres commerciaux, dont plusieurs s’établissent près des banlieues, en périphérie de la ville. Facilement accessibles aux automobiles, ce type de centres commerciaux comporte de vastes aires de stationnement. C’est le cas par exemple des Galeries d’Anjou, construites en 1968, à proximité des autoroutes. On y trouve quelques 4500 places de stationnement.

Le cinéma pour tous

Popularisé à Montréal dans les années 1910-1920, le cinéma atteint des sommets de fréquentation après la Seconde Guerre mondiale. En 1952, la ville compte 72 salles, dont 25 qui contiennent plus de 1000 places. À cette époque, les sièges sont occupés pendant environ 30% du temps offert, ce qui est beaucoup. De nombreux films étatsuniens y sont présentés, contribuant à la diffusion des valeurs de l’American Way of Life.

Le cinéma Impérial, un « super-palace » construit en 1917, est entièrement rénové en 1954 en plus d’être équipé de la toute nouvelle technologie cinérama. Les films sont projetés simultanément par trois caméras sur un écran extra large et légèrement courbé.